HISTOIRE DE VIE – CATHERINE PAINVIN

Comment résumer la vie de Catherine Painvin ? Impossible. Touche-à-tout et entrepreneure de génie, elle a imprimé sa marque dans la décoration, la mode pour enfants, l’immobilier et le luxe… en passant par l’Aubrac et la création du concept des agences de Selection Groupe. Une femme hors du commun au parcours tout aussi extraordinaire.

À 74 ans, elle s’en étonne encore. « D’où ça me vient ? Je ne sais pas. Je n’ai pas appris à être styliste, je n’ai pas non plus appris la décoration, tout me vient du ciel directement. » Depuis le Perche de son enfance où elle vit désormais, Catherine Painvin déroule pour nous le film de sa vie. Ou plutôt de ses vies, tant elle semble en avoir eu mille.

Le divin n’explique pas tout : cet appétit d’entreprendre insatiable, cette énergie vitale hors du commun qui lui fait traverser toutes les épreuves, cette liberté qui a fait d’elle la première self made woman. « Je suis une artiste, une vraie passionnée ! », justifie-t-elle avec l’énergie qui la caractérise. Une créatrice doublée d’une incroyable femme d’affaires : milliardaire dans les années 80, Catherine Painvin n’a jamais pour autant cessé de créer et d’innover.

UNE HISTOIRE DE FARINE ET D’EAU

Elle a toujours un temps d’avance, même quand il s’agit de quitter l’enfance. À 17 ans, Catherine est enceinte de son premier enfant. Sans le baccalauréat et sans le sou après la faillite de son mari, elle s’arme de son pot de farine et d’un peu d’eau pour fabriquer des pense-bêtes. Le stock s’écoule en moins de deux jours. La jeune femme complète l’offre avec des couvre-téléphones en velours, des tabliers et finalement des sets de tables en forme de poires, de pommes ou de tomates : « J’ai 3 enfants assez vite et mon premier mari n’est jamais là (…) J’en ai marre de laver les nappes que les enfants salissent tous les soirs alors j’ai l’idée de faire des sets de table en plastique. Plutôt que de faire des rectangles, je fais des formes de pommes, de poires, de tomates… et on va en vendre de New York à Tokyo. J’ai 23 ans. » La success-story ne fait que commencer.

DES AFFAIRES ET DES HOMMES

« Je suis aussi une grande amoureuse », soupire-t-elle encore aujourd’hui. Exaltée, entière. Ses affaires de coeur sont indissociables de ses affaires commerciales. Pour le meilleur et pour le pire.

Dans son autobiographie, elle raconte comment la nuit de ses dix ans de mariage, fatiguée des infidélités de son mari, elle décide de tout quitter. « Je ne sais pas ce qui m’a pris, un instinct de survie incroyable, j’ai ouvert la porte, en une nanoseconde, j’ai décidé de partir pour la vie (…) J’abandonne absolument tout, l’usine, la Jaguar, l’argent, tout ce qui va avec et je pars avec mes trois enfants sous le bras et 2000 francs. On est le 7 décembre 1974. »

Trois ans plus tard, c’est dans le regard amoureux d’un autre homme qu’elle trouvera la force de lancer sa célèbre marque de vêtements pour enfants : Tartine et Chocolat. Tartine, pour le sobriquet affectueux de Catherine, Chocolat pour le petit nom donné à Bertrand par ses enfants.

Elle revient dans son livre sur la « révélation » qui l’amènera à révolutionner la mode enfantine. C’était sur une plage, en voyant Jacqueline Kennedy et ses enfants. « Je revois l’enterrement de John Kennedy quelques années auparavant, je vois les deux petits enfants avec leur manteau bleu ciel et je me dis « mais d’où viennent ces manteaux ? » Et je me dis à moi-même, « tu ne peux pas savoir, il n’y a pas de marque mondiale de luxe pour enfants ». Et là, en une nanoseconde encore une fois, je me dis : « Je vais créer la première marque mondiale de luxe pour enfants ». Ça me vient comme une évidence. »

VISIONNAIRE

La vie entrepreneuriale hisse Catherine aux sommets : elle est élue femme d’affaires de l’année en 2001, faite Chevalier de la Légion d’Honneur par Jacques Chirac en 2002. En 1996, elle reçoit une Enseigne d’or pour les boutiques Tartine et Chocolat qu’elle a conçues comme des chambres d’enfants. De vrais meubles à la place des étagères, une ambiance cosy comme à la maison : « J’ai été la première à faire ça. » Visionnaire, comme souvent.

L’évidence qui fait son succès dans les affaires la guide aussi dans ses achats immobiliers. « C’est immédiat, je vois tout de suite ce que cela va devenir. Je me souviens, quand on est arrivé dans la cour d’honneur du château de Curzay-sur-Vonne, j’ai sorti le chéquier en même temps que je mettais un pied hors de la voiture. » Comme les cinq autres châteaux qu’elle a achetés pour leur donner une seconde vie, ce joyau du XVIIIe siècle était encore à l’état brut : « Il avait 60 pièces mais aucune salle de bains ! ». Dans le Perche, elle transforme aussi le château de Villeret, « un énorme château Renaissance qui dominait le village de mes grands-parents. Je l’avais vu toute mon enfance mais jamais je n’avais pensé qu’il pourrait m’appartenir un jour. Je l’ai acheté à 46 ans. »

ENCORE UNE FOIS, TOUT (RE)COMMENCER

En 2000, elle perd tout à nouveau : son mari, son entreprise Tartine et Chocolat et le château de son enfance.

C’est sur les plateaux de l’Aubrac qu’elle se reconstruira cette fois-ci. Avec Bertrand, ils avaient l’habitude d’y séjourner tous les hivers. « Je suis arrivée la première fois en Aubrac le 20 mai 1984. À midi il faisait 20 degrés, on a déjeuné chez Bras et quand on est sorti à 16 heures, il y avait 20 cm de neige. Le lendemain, 20 degrés à nouveau, les jonquilles sortaient de la neige. C’était surnaturel. » Extrême et imprévisible comme elle, ce territoire aux airs de bout du monde sera son salut. Elle raconte comment : « J’avais perdu 20 kilos, j’étais dans une clinique psychiatrique quand le téléphone a sonné : c’était Adrienne, la fille de Germaine [Chez Germaine est un restaurant traditionnel situé à Aubrac, NDLR] qui s’inquiétait de ne pas m’avoir vue depuis un an. Elle m’a dit : Arrêtez de chialer pour un homme, aucun n’en vaut la peine. Je me suis évadée de la clinique et le lendemain j’étais à Aubrac avec les enfants. J’ai décidé d’y rester et j’y ai acheté ma maison, qui était totalement en ruines. À ma fille Margaux qui s’inquiétait de me voir habiter dans cette grande bâtisse abandonnée depuis quinze ans, son frère Guillaume a répondu : « Maman et la maison sont dans le même état, elles vont se refaire ensemble ». Et c’est ce qui s’est passé. J’ai appelé mes amis mongols pour m’aider et six mois après, les dix-sept chambres et autant de salles de bain du Comptoir d’Aubrac étaient terminées. »

LE COMPTOIR D’AUBRAC, UNE MAISON D’HÔTES HORS NORMES

Bien avant qu’elles soient à la mode, elle installe trois superbes yourtes et achète la maison d’en face, qui devient L’Annexe d’Aubrac. Le début d’une vie douce où elle cultive le sens de l’accueil, de l’esthétique et de l’hospitalité.

Ses maisons d’hôtes aux décors uniques illustrent les pages des magazines les plus prestigieux tandis que l’atmosphère incroyable des lieux attire des visiteurs célèbres du monde entier. « Je me réveillais avec de belles âmes, des gens qui ne veulent pas aller à Courchevel ou à Saint-Tropez. Ils cherchaient l’exception dans un endroit d’exception. »

Consacrée Talent du Luxe en 2004, Catherine Painvin sera faite Officier de la Légion d’Honneur en 2012 pour son engagement en Aubrac, qu’elle aura fait vivre et rayonner comme jamais. « J’ai senti que l’Aubrac méritait ce que je lui ai donné », confie-t-elle.

CATHERINE & NOUS

En 2016, fini les grandes tablées : après l’Annexe elle se décide à vendre le Comptoir d’Aubrac pour se rapprocher de ses enfants. C’est à ce moment-là qu’elle rencontre Jean-Stéphane Vilain, gérant de Sélection Groupe, qui vendra la maison d’hôtes mythique et deviendra son ami.

Une amitié qui débouche sur une formidable collaboration puisque Catherine accepte de prendre les commandes de la nouvelle esthétique des agences de Sélection Groupe. « Elle avait pour mission de faire entrer la nature dans nos bureaux, explique Jean-Stéphane Vilain. Et notre agence se devait aussi d’être à l’image des maisons de caractère que nous proposons à nos clients. » Il lui laisse carte blanche. Comment aurait-il pu en être autrement ?

« J’ai ajouté un canapé, une énorme table de 4 mètres au milieu, des tapis en dessous pour que ce soit cosy, des lustres pour une ambiance tamisée. Petit à petit, j’ai transformé un bureau en maison. » Seule une cloison de verre sépare le bureau de la direction ; le personnel et les clients ont un regard sur tout, sans gêner personne. Le résultat ? Une ambiance country living, chic mais chaleureuse, qui correspond parfaitement aux valeurs de nos enseignes : transparence, élégance et convivialité qui sera déployée dans nos 12 agences.

UNE VIE ET CINQ MINUTES

En marge de ses activités dans la décoration d’hôtels et de maisons, Catherine Painvin a toujours touché à tout : créations mode, plaids couture, peinture, séminaires de décoration… sans oublier l’écriture de son autobiographie, en 2015, intitulée « Une Vie et cinq minutes ». Pourquoi ce titre ? « Quand Johnny Depp est venu à la maison d’Aubrac, j’étais en train de travailler sur le plaid Chanel. Son secrétaire m’a demandé : « Combien de temps mettez-vous pour faire ça ? » Moi j’ai compris pour créer, alors j’ai répondu : « 5 minutes ! » Et Johnny Depp a ajouté : « One life and five minutes », parce qu’il savait que c’était le résultat de toute une vie. »

Depuis les collines du Perche où elle a créé The Good House avec son fils Guillaume, Catherine Painvin continue d’écrire sa légende. Un parcours extraordinaire qu’elle livre avec beaucoup de sincérité, un trait de caractère qui l’a guidée tout au long de sa vie. « J’aime beaucoup cette phrase de Matthieu Ricard qui dit : La gentillesse est une qualité et non pas une faiblesse. Je préfère être naïve, tant pis, et je n’ai pas envie de changer. »

Une vie « entière », généreuse et lumineuse, à l’image des décors qu’elle a créés. Rien d’étonnant lorsque l’adage répété par votre grand-mère est : « Il faut avoir la paille au cul, et le feu dedans » : une invitation à fronder, essayer, se réinventer, coûte que coûte.

http://www.catherine-painvin.com
http://www.thegoodhouse.fr

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